Faire un testament
Il est toujours utile de faire un testament, quels que soient son âge et sa situation familiale pour organiser la transmission de ses biens après son décès. Prenons quelques exemples.
Il est toujours utile de faire un testament, quels que soient son âge et sa situation familiale pour organiser la transmission de ses biens après son décès. Prenons quelques exemples.
Une personne mariée peut vouloir accorder à son conjoint une part d'héritage supérieure à celle que prévoit la loi. Le testament peut être utilisé à cette fin, au lieu et place d'une donation au dernier vivant. Un testament peut également permettre de réduire les droits de son conjoint. En présence de descendants, le conjoint peut même être complètement déshérité.
Une personne vivant en concubinage a tout intérêt à faire un testament si elle entend assurer un minimum de protection à celui ou celle qui vit avec elle. En effet, même pacsés, les concubins n'héritent pas l'un de l'autre et il leur est interdit de se consentir une donation au dernier vivant. Les seules possibilités dont les concubins disposent pour se protéger à cause de mort sont l'assurance-vie et le testament.
En présence d'enfants, la loi prévoit que l'intégralité de la succession leur revient, sous déduction le cas échéant de la part du conjoint. Mais il est possible de laisser, par testament, une partie de ses biens à d'autres personnes. Le testament permet également de décider de l'attribution à l'un ou l'autre de ses enfants de tel ou tel bien, solution qui a le double mérite d'éviter l'indivision entre les enfants et d'assurer la paix des familles, pour peu que chacun soit équitablement loti. Il n'est d'ailleurs pas interdit, du moins dans certaines limites, d'avantager certains de ses enfants au détriment des autres.
Enfin, rappelons que faute de proches parents, la succession revient à l'Etat. On peut lui préférer un autre bénéficiaire.
Un testament peut être utile pour adopter des dispositions autres que relatives à la transmission du patrimoine. Par exemple :
- pour décider de l'organisation de ses propres funérailles ;
- pour reconnaître un enfant naturel. Attention toutefois : la reconnaissance ne sera valable que si le testament a été établi par un notaire ;
- pour donner un tuteur à ses enfants mineurs (cette désignation n'aura d'effet que si l'autre parent est également mort).
Un testament peut exprimer des souhaits à l'intention des membres de sa famille (par exemple, maintien des relations entre les enfants issus d'unions différentes). Bien sûr, ces voeux n'ont par eux-mêmes aucune force obligatoire, mais le caractère solennel du testament incitera à leur exécution.
A l'exception des enfants de moins de 16 ans et des majeurs sous tutelle, tout le monde peut librement faire son testament. Une seule condition est requise : il faut être sain d'esprit au moment de la rédaction de l'acte (C. civ. art. 901). A défaut, les héritiers ou les légataires universels mécontents, et eux-seuls, pourront demander l'annulation en justice du testament (Cass. 1e civ. 5-11-2014 no 13-15.578 : Bull. civ. I à paraître, BDP 3/15 inf. 81, refusant la possibilité d'agir en nullité à la soeur de la défunte qui n'était ni héritière ni légataire universelle). Le délai pour agir est de cinq ans à compter du décès du testateur (Cass. 1e civ. 20-3-2013 no 11-28.318 : Bull. civ. I no 56, BPAT 3/13 inf. 101).
Les héritiers ou les légataires universels doivent démontrer, sinon la démence du testateur, du moins une altération importante de ses facultés de discernement, preuve qui pourra être établie par tous moyens : témoignages (de psychiatres, de préférence), incohérence du contenu même du testament, écriture ou vocabulaire inaccoutumés, etc.
Les testaments comportent souvent une mention expresse pour indiquer que le testateur est « sain de corps et d'esprit ». Cette mention n'a aucune valeur particulière, même lorsque le testament a été établi par un notaire. La caractérisation de l'insanité d'esprit du testateur relève de l'appréciation souveraine des juges du fond (Cass. 1e civ. 6-3-2013 no 12-17.360 : Bull. civ. I no 39). Cependant, lorsque la vulnérabilité du testateur a été reconnue par un juge pénal lors d'une instance pour abus de faiblesse dirigée contre le légataire, l'insanité d'esprit est établie et la décision s'impose au juge civil (Cass. 1e civ. 24-10-2012 no 11-20.442 : Bull. civ. I no 209, BPAT 6/12 inf. 302).
En pratique, les juges sont peu enclins à annuler les testaments. Ont par exemple été jugés insuffisants pour établir par eux-mêmes l'insanité d'esprit du testateur la dépression grave, l'alcoolisme chronique, l'animosité virulente contre les membres de sa famille, la maladie de Parkinson, la mise ultérieure sous tutelle, ou bien encore le fait de modifier son testament à plusieurs reprises.
Un mineur a le droit de faire un testament à partir de 16 ans, mais sans pouvoir disposer de tous ses biens : la loi l'autorise seulement à transmettre la moitié de ce qu'il aurait pu léguer s'il avait été majeur. S'il est émancipé, le mineur a la même capacité à tester qu'un majeur (C. civ. art. 904).
Un majeur sous tutelle ne peut faire un testament que sur autorisation du juge des tutelles (ou du conseil de famille s'il a été constitué). Il doit alors faire son testament seul, son tuteur ne pouvant ni le représenter ni l'assister (C. civ. art. 476, al. 2).
Les majeurs sous sauvegarde de justice ou sous curatelle peuvent librement faire un testament (C. civ. art. 435, al. 1 et C. civ.470, al. 1).
Si l'on pense que le règlement de la succession posera des difficultés, il peut être utile de désigner un exécuteur testamentaire, personne de confiance qui sera chargée de veiller à l'exécution de ses dernières volontés (C. civ. art. 1025 s.). La désignation peut être faite dans le testament même ou par acte séparé (document manuscrit, daté et signé par son auteur ou établi par un notaire).
L'exécuteur testamentaire peut être choisi ou non parmi les bénéficiaires de la succession. Parce qu'il n'est pas obligé d'accepter sa mission, il est préférable d'obtenir son accord avant de le désigner. S'il accepte, les frais qu'il exposera (inventaire, apposition de scellés, etc.) seront à la charge de la succession.
L'étendue de ses pouvoirs dépend de ce qui a été prévu par le testateur : de la simple surveillance de la bonne exécution du testament, avec obligation de défendre sa validité en justice si elle est mise en cause, jusqu'à la vente des meubles de la succession pour acquitter les legs particuliers. Lorsqu'il n'y a ni descendants ni conjoint survivant, l'exécuteur testamentaire peut disposer de pouvoirs très étendus : le testateur peut l'habiliter à vendre les immeubles de la succession (après en avoir informé les héritiers), à toucher et à placer les capitaux, à payer les dettes et les charges de la succession et même à procéder lui-même au partage des biens subsistants entre les héritiers et/ou légataires.
Savoir
L'exécuteur testamentaire n'a droit à aucune rémunération (C. civ. art. 1033-1). Cependant, il est d'usage que le testateur le remercie par un legs appelé diamant (il s'agit le plus souvent d'une somme d'argent). Le diamant doit rester dans des limites raisonnables au regard de la fortune du testateur et de l'étendue des services rendus par l'exécuteur testamentaire ; si son montant est excessif, les héritiers peuvent demander au juge de le réduire.
Il est possible de désigner de son vivant un mandataire (héritier, notaire, avocat, etc.) pour le charger de l'administration provisoire de tout ou partie de sa future succession dans l'intérêt d'un ou de plusieurs de ses héritiers (C. civ. art. 812 à C. civ.812-7).
Ce mandat à effet posthume, qui a pour effet de priver l'héritier du droit d'administrer ses biens, doit être donné et accepté par acte notarié, l'acceptation du mandataire devant intervenir avant le décès du mandant. Le mandat doit être enregistré : compter environ 270 €, dont un honoraire forfaitaire de 117 € hors TVA auquel s'ajoutent des émoluments de formalités et un droit fixe d'enregistrement de 125 € (BOI-ENR-DMTG-10-40-20-10 no 310).
Le mandat doit être justifié par un intérêt sérieux et légitime au regard de la personne de l'héritier (par exemple, enfant mineur, majeur sous tutelle) ou du patrimoine successoral (par exemple, une entreprise que tout ou partie des héritiers n'auraient pas la capacité de diriger, au moins à court terme). Cet intérêt doit être motivé avec précision dans l'acte et doit durer tout au long du mandat.
Le mandat a en principe une durée maximale de deux ans, qui peut être renouvelée une ou plusieurs fois par le juge. Le mandat peut toutefois être donné pour une durée maximale de cinq ans, également renouvelable, en raison de l'inaptitude ou de l'âge du ou des héritiers ou encore de la nécessité de gérer des biens professionnels ou de posséder des compétences spécifiques pour administrer ou gérer le patrimoine.
Le mandataire a le pouvoir d'administrer ou de gérer tout ou partie de la succession dans l'intérêt d'un ou de plusieurs héritiers identifiés. Il peut par exemple veiller à la conservation des biens (assurance, entretien courant, etc.), donner un immeuble en location et en toucher les loyers pour le compte d'un ou de plusieurs héritiers, mais il n'a en aucun cas le pouvoir de vendre les biens de la succession. Il ne peut pas non plus s'opposer à la vente par les héritiers des biens mentionnés dans le mandat (Cass. 1e civ. 12-5-2010 no 09-10.556 : Bull. civ. I no 117, BPAT 3/10 inf. 181). Si un exécuteur testamentaire a été désigné, ses pouvoirs priment ceux du mandataire (C. civ. art. 812).
Chaque année et en fin de mandat, le mandataire doit rendre compte de sa gestion aux héritiers au nom et pour le compte desquels le mandat a été prévu (ou à leurs représentants s'ils sont mineurs ou majeurs protégés) et les informer de l'ensemble des actes qu'il a accomplis. Il répond des fautes commises dans sa gestion (C. civ. art. 812-7).
Savoir
Le mandat est gratuit, sauf si une rémunération est spécialement prévue dans le contrat, ce qui en pratique est le cas chaque fois que le mandat est confié à un professionnel. Dans ce cas, elle est encadrée par la loi (C. civ. art. 812-2 et C. civ.812-3). En principe, la rémunération est prélevée sur les revenus des biens de la succession (par exemple, pourcentage des loyers perçus), mais une rémunération en capital peut être prévue. Si la rémunération est trop élevée par rapport à la durée du mandat ou à la charge en résultant, les héritiers peuvent demander au juge d'en réduire le montant. La demande doit être faite par voie d'assignation devant le président du tribunal de grande instance ou son délégué (CPC art. 485 et CPC1380).
Le moyen le plus simple et le plus économique de faire son testament est encore de le faire tout seul : il suffit de savoir écrire. Appelé testament olographe, l'acte sera valable si trois conditions sont réunies (C. civ. art. 970) :
- le testament doit être entièrement écrit à la main ;
- il doit être daté ;
- il doit être signé.
Un testament est nécessairement écrit. Inutile par conséquent d'enregistrer vos dernières volontés sur cassette audio ou vidéo, même devant témoins : le testament verbal n'a aucune valeur juridique.
Attention
Il n'est pas possible de faire un testament à deux, chacun devant faire son propre testament (C. civ. art. 968). Par exemple, serait nul le document (appelé testament conjonctif) qui serait ainsi rédigé : « Nous, Monsieur et Madame X, prenons telle ou telle disposition... » avec la signature des deux époux. Cela dit, rien ne s'oppose à ce que deux époux rédigent des testaments identiques, pourvu que ce soit sur deux documents séparés, chacun étant daté, rédigé et signé par son auteur.
Pour être valable, un testament olographe doit être entièrement rédigé à la main par son auteur.
Cette règle signifie d'abord que tous les procédés mécaniques d'écriture sont proscrits : pas d'ordinateur, ni de machine à écrire. Le testament qui ne serait pas entièrement écrit à la main serait nul, quand bien même chaque page comporterait la signature manuscrite de son auteur.
Il faut ensuite que l'auteur du testament écrive lui-même ses dernières volontés. Le testament ne peut pas être dicté à un tiers. Cependant, si la personne doit écrire elle-même, il ne lui est pas interdit de se faire matériellement assister par un tiers. Le testament dit « à main guidée » est valable pour peu que deux conditions soient réunies :
- intellectuellement, le testament doit exprimer la volonté du testateur et non celle, plus ou moins bien intentionnée, de celui qui lui tient la main ;
- matériellement, l'écriture du testateur doit rester reconnaissable. Car si le tiers peut tenir la main du testateur, il ne peut en aucun cas écrire à sa place ; à défaut, le testament serait nul. Il a toutefois été jugé que l'ajout par un tiers de mentions qui ne modifient pas la volonté du testateur, telles l'adresse et la date de naissance de la testatrice, n'affectait pas la validité du testament (Cass. 1e civ. 30-9-2009 no 08-15.007 : Bull. civ. I no 181).
Même si en pratique les juges valident autant que possible les testaments qui ont été rédigés avec l'aide d'un tiers, le procédé n'est pas à conseiller. Lorsque la personne qui veut faire son testament n'est pas (ou plus) capable d'écrire, mieux vaut s'adresser à un notaire qui établira un testament authentique.
Un testament doit être daté, c'est-à-dire comporter le jour, le mois et l'année de son établissement.
Que se passe-t-il si la date est illisible, inexacte ou incomplète, voire absente ?
Les juges recherchent s'il n'y a pas dans le testament des indices permettant de compléter, de rectifier ou même de déterminer la date de son établissement. Par exemple, le testament indique avoir été rédigé à tel endroit (où le testateur était à telle date), mentionne l'adresse d'un légataire (adresse qui a été la sienne à telle époque) ou fait référence à tels événements (qui se sont déroulés à telle date). Ces indices peuvent être corroborés par des éléments extérieurs au testament, comme le témoignage de la personne ayant accompagné le testateur chez le notaire (Cass. 1e civ. 9-7-2014 no 13-18.685 : Bull. civ. I no 135, BDP 1/14 inf. 8). Si les juges arrivent à dater le testament, celui-ci est valable sauf si le testateur était placé sous tutelle ou atteint d'insanité d'esprit à la date ainsi rectifiée. Si aucun élément ne permet de dater le testament, les juges prononcent sa nullité.
Lorsque le testateur a délibérément porté sur le testament une date inexacte, il y a fausse date et le testament est toujours nul (Cass. 1e civ. 29-1-2014 no 12-35.128 : BPAT 2/14 inf. 73). C'est le cas, par exemple, lorsque le testateur sous tutelle (donc incapable de tester) donne à son testament une date antérieure à celle de sa mise sous tutelle.
La signature du testament est indispensable et doit être placée à la suite du texte, et non au début ou dans le corps du document. A défaut, le testament est nul (notamment Cass. 1e civ. 17-6-2009 no 08-12.896 : Bull. civ. I no 137, BPAT 5/09 inf. 202).
Savoir
Pour « sauver » certains testaments non signés, les tribunaux admettent que la mention manuscrite des nom et prénom du testateur peut valoir signature à condition que cette mention soit placée au bas du texte et qu'elle ne laisse aucun doute sur l'identité du testateur et sa volonté d'approuver le contenu du testament (Cass. 1e civ. 22-6-2004 no 01-14.031 : Bull. civ. I no 180). Mais en aucun cas la mention « Je soussigné(e)... » suivie des nom et prénom du testateur et placée au début ou dans le corps du texte ne peut pallier l'absence de signature (Cass. 1e civ. 17-2-2004 no 01-15.223 : Bull. civ. I no 55 ; Cass. 1e civ. 23-5-2006 no 04-16.386).
Etant rarement un spécialiste du droit, celui qui rédige tout seul son testament court le risque d'établir un acte nul ou difficilement exécutable. Voici donc quelques conseils, étant précisé que des modèles de rédaction sont fournis plus loin.
En la forme, les tribunaux admettent la validité des testaments les plus insolites : écrits au couteau, avec du sang, sur une carte postale ou un bloc-notes, sur un mur, etc. Mais il est plus raisonnable de se contenter d'un stylo à encre (indélébile, de préférence) et d'une feuille de papier. Si plusieurs feuilles sont nécessaires, mieux vaut les numéroter pour éviter tout risque de destruction partielle ultérieure. Il est recommandé de signer ou de parapher chaque feuille.
La rédaction adoptée ne doit pas laisser de doute sur la nature de l'acte : puisqu'il s'agit d'un testament, autant l'indiquer clairement (« Ceci est mon testament »). De la même façon, si des legs sont opérés, il est préférable d'écrire « je lègue tel bien à X » plutôt que « je souhaite léguer » ou (pire) « j'aimerais que X » : si un legs ressemble à un simple voeu, les héritiers ne seront pas obligés de l'exécuter. Il faut également identifier clairement les bénéficiaires des legs nom, prénoms, date et lieu de naissance, adresse et, le cas échéant, lien de parenté avec le testateur.
S'il y a eu plusieurs testaments successifs, le plus récent n'annule pas le précédent : le principe est qu'ils doivent tous être exécutés. Ce n'est que dans la mesure où il y a incompatibilité (un bien légué à X est ensuite légué à Y) que l'on se référera au dernier testament. Pour éviter toute ambiguïté, il est préférable de refaire entièrement le testament et d'indiquer que les précédents ne sont plus valables : « Ceci est mon testament qui révoque tous les testaments antérieurs » ou « Ceci est mon testament qui révoque toutes dispositions antérieures » (cette seconde formulation ayant pour effet de révoquer également les donations au dernier vivant antérieurement faites au conjoint).
Enfin, il est toujours possible de consulter un notaire pour se faire conseiller.
Une fois rédigé, le testament devra être déposé quelque part.
Il faut éviter le secret : si le testament est caché et que personne n'est au courant de son existence, il risque de ne pas être découvert, auquel cas il ne servira à rien. Qu'on le retrouve tardivement et il faudra revoir toute la liquidation de la succession.
Il n'est pas non plus forcément judicieux d'informer tous ses proches du lieu où se trouve le testament. Si ce dernier ne fait pas que des heureux, il pourrait bien disparaître... Même chose si l'on décide de remettre le testament à un tiers : attention à choisir une personne de confiance.
Le dépôt au coffre est possible mais doit être évité. Si le testament contient des dispositions à prendre rapidement après le décès (organisation des funérailles, destruction de papiers personnels), il risque d'être trop tard au moment où la banque débloquera le coffre. En outre, pour accéder au coffre après le décès, il faudra au préalable produire un acte de notoriété. Cet acte, qui précise quels sont les héritiers, risque de devoir être modifié après l'ouverture du coffre et la découverte du testament.
La meilleure solution est de confier le testament à un notaire. Sauf opposition du testateur, le notaire mentionnera l'existence du testament au Fichier central des dispositions de dernières volontés, plus couramment appelé Fichier des testaments, qui a été créé à cet effet (coût en 2015 : 31,61 € TVA comprise). Le notaire chargé du règlement de la succession, qui a l'obligation de consulter ce fichier, aura ainsi connaissance de l'existence du testament, de sa date et du lieu où il est déposé.
En tout état de cause, le testament olographe devra être déposé chez un notaire après le décès du testateur.
A noter que les particuliers peuvent interroger le Fichier des testaments (coupon de demande d'interrogation disponible sur le site adsn.notaires.fr). Sur production de l'original de l'acte de décès et moyennant 18 €, ils sauront en quelques jours si un testament a été fait et dans quelle étude notariale il a été déposé. Aucun renseignement n'est évidemment communiqué sur le contenu de l'acte !
Le testament authentique est établi par un notaire en présence de deux témoins ou d'un second notaire et signé par le testateur ; les dispositions testamentaires sont dictées par le testateur au notaire qui en fait ensuite lecture au testateur (C. civ. art. 971 et C. civ.972).
Les conditions de dictée et de lecture ont longtemps interdit le recours au testament authentique pour les personnes sourdes ou muettes et pour les personnes ne maîtrisant pas le français. Mais depuis le 18 février 2015, les choses ont changé (C. civ. art. 972 modifié par la loi 2015-177 du 16-2-2015). Désormais, lorsque le testateur ne parle pas français, la dictée et la lecture du testament sont effectuées par un interprète assermenté (sauf si le notaire et les témoins - ou l'autre notaire - comprennent la langue de l'intéressé). Pour les sourds-muets ne sachant pas lire ou écrire, c'est un interprète en langue des signes qui interviendra. Si le testateur, ne pouvant pas parler, sait écrire, le notaire écrit le testament ou le fait écrire à la main ou mécaniquement, d'après les notes rédigées devant lui par l'intéressé, puis lui en donne lecture. Si le testateur est sourd, il prend connaissance du testament en le lisant lui-même, après lecture faite par le notaire.
Fait par un professionnel, le testament authentique sera rédigé dans les formes requises et sa validité sera difficilement remise en question.
Il présente également un avantage important sur le testament olographe lorsque le testateur souhaite instituer un légataire universel alors qu'il ne laisse ni descendance ni conjoint : le recours au testament authentique dispensera le légataire universel de toute formalité pour entrer en possession de son legs.
Au demeurant, c'est la seule forme de testament possible lorsque le testateur :
- veut reconnaître un enfant naturel par testament (C. civ. art. 316) ;
- veut retirer à son conjoint les droits d'habitation et d'usage dont ce dernier dispose, jusqu'à sa mort, sur sa résidence principale et le mobilier de celle-ci (C. civ. art. 764) ;
- ne peut pas ou plus écrire lui-même.
En contrepartie, le testament authentique a un coût : compter environ 160 € (honoraire forfaitaire de 117 € hors TVA, auquel peuvent s'ajouter des émoluments de formalités).
Jusqu'à sa mort, le testateur a le droit de changer d'avis, ce que la loi appelle révoquer le testament. Il s'agit d'un droit discrétionnaire, son exercice ne pouvant être considéré comme abusif (notamment, Cass. 1e civ. 30-11-2004 no 02-20.883 : Bull. civ. I no 297).
L'étendue de la révocation peut être plus ou moins étendue : de la remise en cause d'un simple legs particulier (bien déterminé que le testateur n'entend plus léguer à telle personne) jusqu'à la révision de l'ensemble des dispositions précédemment adoptées.
Chaque fois que les modifications souhaitées sont importantes, il est conseillé de refaire entièrement le testament, selon les modalités précédemment indiquées. Sur ce point, précisons que les différentes formes de testament ont la même valeur : un testament olographe peut donc parfaitement révoquer le testament établi par un notaire.
Pour des modifications mineures, le testateur peut se contenter d'ajouter un codicille (sur un document séparé) à son testament en prenant soin, si le testament était olographe, de rédiger à la main, de dater et de signer le codicille. A défaut, les modifications apportées au testament ne seraient pas prises en compte.
Si le testateur souhaite révoquer un legs particulier, il peut aussi tout simplement vendre ou donner à une autre personne le bien qui en faisait l'objet (C. civ. art. 1038). A la mort du testateur, le bien ne se trouvera pas dans sa succession et le légataire initialement désigné n'aura rien.
Conseil
Evitez de corriger directement votre testament en le raturant ou en y ajoutant des mots. A tout le moins, n'oubliez pas de dater et de signer chaque rature apportée au texte. A défaut, c'est le testament d'origine qui sera exécuté.
Si vous avez déjà ajouté un codicille à votre testament et souhaitez effectuer de nouvelles modifications, mieux vaut refaire entièrement votre testament : la multiplication des codicilles est source de conflits entre les différents légataires successivement institués.
Pour qu'un legs soit valable, il faut que le testateur désigne lui-même le légataire. Si le légataire est désigné par un tiers (on parle de legs avec faculté d'élire), le legs est nul.
Le testateur n'est pas complètement libre du choix de ses successeurs :
- il y a des personnes à qui il n'est pas possible de léguer ses biens ;
- inversement, certains membres de la famille ne peuvent pas être totalement déshérités.
Il va de soi que ne peuvent hériter ni les animaux (mais il est possible de léguer des biens à une personne, à charge pour elle d'entretenir l'animal), ni les personnes qui n'existent pas, situation qui vise en particulier les enfants non encore conçus (sous réserve de l'exception des legs graduels et résiduels) et les personnes déjà mortes au décès du testateur.
La loi interdit par ailleurs purement et simplement les legs (de même que les dons) à certaines personnes déterminées, en raison de l'influence que ces personnes seraient susceptibles d'exercer sur le testateur (ou donateur).
Les professionnels de santé (médecins, pharmaciens, officiers de santé, et les auxiliaires médicaux, notamment les infirmiers) qui auront prodigué des soins au testateur pendant sa dernière maladie ne peuvent pas bénéficier du testament fait à leur profit pendant cette maladie (C. civ. art. 909). Cette interdiction ne concerne pas les legs modiques effectués en remerciement des services rendus. Elle ne s'applique pas non plus lorsque le soignant est un descendant du testateur (ou un de ses proches parents s'il ne laisse pas de descendant).
Les mêmes règles s'appliquent aux ministres du culte, aux propriétaires, administrateurs et employés des établissements sociaux et médico-sociaux hébergeant certaines personnes en situation de faiblesse (mineurs, personnes âgées, handicapés, etc.), ainsi qu'aux accueillants familiaux et à leur conjoint, concubin ou partenaire de Pacs, à leurs ascendants ou descendants (C. civ. art. 909 ; CASF art. L 331-4 et CASFL 443-6). Elles ne s'appliquent pas, en revanche, à une aide ménagère employée au domicile du testateur (Cass. 1e civ. 25-9-2013 no 12-25.160 : Bull. civ. I no 193, BPAT 6/13 inf. 239).
Il est également interdit au pupille, même lorsqu'il est devenu majeur, de tester au profit de son tuteur. L'interdiction prend fin quand le compte de tutelle a été rendu et apuré. Elle ne s'applique pas si le tuteur est un ascendant du pupille (C. civ. art. 907).
Enfin, les mandataires judiciaires à la protection des majeurs ne peuvent pas recevoir de libéralité de la part des personnes dont ils assurent la protection, quelle que soit la date du testament (C. civ. art. 909).
Les associations ne sont pas toutes habilitées à recevoir des legs : seuls sont possibles les legs aux associations reconnues d'utilité publique, aux associations cultuelles (vouées à l'exercice d'un culte religieux), aux unions agréées d'associations familiales, aux associations simplement déclarées qui ont pour objet exclusif l'assistance, la bienfaisance ou la recherche scientifique ou médicale, et aux associations soumises au droit local d'Alsace-Moselle. Depuis le 2 août 2014, les associations qualifiées d'intérêt général au plan fiscal (CGI art. 200, 1-b) peuvent également recevoir des legs, sous réserve d'être déclarées depuis trois ans au moins (Loi du 1-7-1901 art. 6, al. 5 et 6). Il s'agit des associations d'intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises.
Un legs à une association autre que celles-ci est nul.
Avant de coucher dans son testament une association (ou une fondation), il est indispensable de bien vérifier la dénomination exacte de l'organisme. Car si le nom indiqué n'existe pas ou est trop vague, ce sont les juges qui devront interpréter le testament pour décider à quelle association ira le legs. Par exemple, un legs fait à « la recherche médicale » a été attribué à la « Fondation pour la recherche médicale » dont la dénomination comprend les termes « recherche médicale » et qui est le seul organisme en France à promouvoir la recherche médicale sous toutes ses formes (CA Lyon 9-10-2012 no 10/08594, 1e ch. civ. B : BPAT 1/13 inf. 23).
Il faut également régulièrement s'assurer de l'existence de l'association car, si elle vient à être dissoute, le legs sera en principe caduc.
Deux catégories d'héritiers sont particulièrement protégées par la loi : les descendants et le conjoint. Les descendants ne peuvent jamais être complètement exclus de la succession. Le conjoint survivant n'est protégé qu'à titre subsidiaire : seules les personnes qui ne laissent aucune descendance sont obligées de laisser une partie de leurs biens à leur conjoint.
Le problème pratique qui se pose au testateur est que la fraction par avance réservée de sa succession (la « réserve »), et qu'il lui est donc interdit de léguer, lui est inconnue au moment où il fait son testament :
- d'abord, parce que la composition familiale peut évoluer. Or, l'existence et, le cas échéant, le taux de la réserve ne seront fixés qu'au jour de son décès, en fonction de la qualité et du nombre des héritiers en présence ;
- ensuite, parce que le calcul effectif de la réserve dépend du montant de la succession. En outre, pour déterminer si la réserve a bien été respectée, il sera tenu compte des donations que le testateur a pu faire de son vivant, ce qui posera évidemment de délicats problèmes d'évaluation.
On verra plus loin que les enfants (comme le conjoint) du testateur peuvent renoncer par avance à demander leur part de réserve, ce qui augmente la liberté du testateur de disposer de ses biens.
Les parents sont dans une situation particulière : ils n'ont pas droit à une part minimale de la succession, mais ils peuvent dans une certaine limite reprendre les biens qu'ils avaient donné à leur enfant si ce dernier est mort sans descendance. A concurrence de ce droit de retour dont le détail est exposé un peu plus loin, les parents ne peuvent pas être déshérités.
Les autres héritiers peuvent tous être totalement déshérités. Pour déshériter un de ses proches, il suffit de le préciser dans le testament (par exemple : « j'exclus mon frère X de ma succession »). Autre solution : disposer de l'ensemble de ses biens, par exemple en désignant un légataire universel. Ce dernier recevra alors l'intégralité de la succession, exception faite, bien sûr, de la part réservée aux descendants ou au conjoint (si ceux-ci réclament leur part de réserve) ou des biens devant revenir aux parents à raison de leur droit de retour s'ils en demandent l'exécution.
La loi interdit aux parents de déshériter complètement leurs enfants, quel que soit l'état de leurs relations. Si le testateur laisse des enfants au jour de son décès, une part de sa succession leur est réservée. Cette part, dont on va cependant voir qu'elle peut être amputée au profit du conjoint survivant, dépend du nombre d'enfants (C. civ. art. 913) : la moitié de la succession s'il n'y a qu'un enfant, les 2/3 s'il y a deux enfants, les 3/4 s'il y a trois enfants ou plus. La part individuellement réservée à chaque enfant est déterminée en divisant le montant global de la réserve par le nombre d'enfants. Par exemple, s'il y a cinq enfants, la part qui leur est globalement réservée s'élève aux 3/4 de la succession, chaque enfant ayant droit à 3/20e de l'héritage.
Si un enfant renonce à la succession, le principe est qu'il n'est pas pris en compte dans le calcul de la réserve globale (C. civ. art. 913). Par exemple, si le testateur laisse trois enfants à son décès et que l'un renonce à sa part d'héritage, la masse globale obligatoirement dévolue aux enfants sera des 2/3 de la succession (et non des 3/4). Ces 2/3 seront répartis par moitié entre les deux autres enfants. Par exception, le renonçant est décompté pour la réserve dans deux cas : si ses propres enfants prennent sa place dans la succession (mécanisme de la représentation) ou s'il a reçu du défunt une donation pour laquelle il a été prévu qu'il serait tenu au rapport.
Les enfants morts avant le testateur ne sont pas pris en compte pour la détermination du montant de la réserve, sauf dans le cas où ils laissent eux-mêmes des enfants (C. civ. art. 913-1). Dans cette situation, les petits-enfants du testateur vont récupérer la part de réserve de leur parent mort prématurément.
Prenons un exemple :
La réserve globalement attribuée aux descendants du testateur est des 3/4 (et non des 2/3), puisque Aristide laisse des enfants. Cette réserve sera partagée entre Camille (1/3), Bernadette (1/3) et Adrien et Arthur (1/3 au total, soit 1/6e chacun).
Si au contraire Aristide était mort sans enfants, les droits de ses frère et soeur auraient été calculés comme s'il n'avait jamais existé, d'où une réserve globale des 2/3 au décès du testateur, à partager également entre Bernadette et Camille (1/3 chacun).
Compte tenu du montant réservé aux enfants, la part de son patrimoine dont le testateur pourra librement disposer s'élève à (C. civ. art. 913) :
- la moitié s'il n'a qu'un enfant ;
- le tiers s'il a deux enfants ;
- le quart s'il a trois enfants ou plus.
Cette part libre, appelée quotité disponible, peut être léguée à quiconque : concubin, ami(s), etc. Le testateur peut même, si bon lui semble, utiliser cette fraction disponible de son patrimoine pour avantager un ou plusieurs de ses enfants. Par exemple, le testateur qui a trois enfants peut décider de laisser à l'un d'eux la moitié de sa succession, les deux autres n'en recueillant qu'un quart chacun.
Si le testateur est marié, il peut bien sûr laisser à son conjoint la part disponible telle que nous venons de la définir, et qui dépend du nombre d'enfants. Mais il peut également lui laisser davantage, les époux bénéficiant d'une quotité disponible élargie dite « quotité disponible spéciale ».
La loi interdit aux personnes qui ne laissent aucun descendant de déshériter complètement leur conjoint. La part obligatoirement réservée au veuf ou à la veuve s'élève au quart de la succession, les trois autres quarts pouvant être librement légués à quiconque (C. civ. art. 914-1).
Pour bénéficier de son droit à réserve, il suffit que le conjoint ne soit pas divorcé au moment où il devient veuf. Il peut donc être séparé de corps ou même en instance de divorce.
Marié ou non, chacun a le droit de déshériter complètement ses parents. Une seule limite est posée : si les parents (ou l'un d'eux) ont donné des biens à leur enfant mort avant eux sans descendance, ils ont le droit de reprendre ces biens (C. civ. art. 738-2). Il en va de même si l'enfant décédé laisse des descendants qui renoncent à sa succession (Cass. 1e civ. 23-5-2012 no 11-14.104 : Bull. civ. I no 112, BPAT 4/12 inf. 222 ; Cass. 1e civ. 16-9-2014 no 13-16.164 : Bull. civ. I no 148, BDP 1/14 inf. 9).
Le droit de retour s'applique obligatoirement : l'acte de donation ne peut pas l'empêcher, et un testament du défunt déshéritant ses parents n'y ferait pas non plus obstacle (les parents peuvent en revanche renoncer à leur droit après le décès de leur enfant).
A notre avis, mais ce point n'a pas encore été tranché par les tribunaux, le droit de retour ne s'applique pas si la donation effectuée par les parents portait sur une somme d'argent. Il ne joue que pour de véritables biens (bijoux, appartement, portefeuille de titres, etc.).
Lorsqu'il s'applique, le droit de retour des parents est selon nous limité en valeur à un quart de la succession pour chacun d'eux. Dans cette limite, le droit de retour s'exerce en nature : le parent donateur reprend le bien qu'il a donné et prend, s'il n'a pas été déshérité, le complément de ses droits sur les biens laissés par le défunt. A noter que certains juristes estiment que le droit de retour ne s'exerce que sur un quart des biens donnés, ce qui signifie que le parent donateur va se trouver en indivision avec les autres héritiers (le conjoint ou les frères et soeurs du défunt). Cette interprétation est fidèle au texte de la loi, mais ne correspond pas à son objectif. Ici encore, ce sont les tribunaux qui trancheront.
Si la valeur du bien donné par l'un des parents excède le quart de l'actif successoral, le droit de retour s'exerce en valeur (c'est-à-dire en argent). Il en va de même lorsque le bien donné n'est plus la propriété de l'enfant, par exemple parce qu'il l'a vendu.
Sur le plan fiscal, le droit de retour bénéficie d'un régime de faveur : le retour du bien dans le patrimoine du parent donateur échappe aux droits de succession (CGI art. 763 bis) et, sur réclamation à formuler au plus tard le 31 décembre de la 2e année qui suit le décès, les droits de donation initialement acquittés sont remboursés. Si le remboursement n'a pas été demandé, et si le donateur redonne le bien à un autre de ses descendants dans les cinq ans du retour, les droits de donation à payer seront minorés de ceux acquittés sur la première donation (CGI art. 791 ter).
Tant que la personne dont on a vocation à hériter est vivante, on ne peut pas renoncer à ses droits futurs dans sa succession (pas plus qu'on ne peut vendre ou donner son futur héritage). Cependant, les héritiers réservataires présomptifs (enfants ou, à défaut, conjoint) ont la possibilité de renoncer par avance à agir contre les legs ou les donations qui viendraient empiéter sur leur part de réserve (C. civ. art. 929 à C. civ.930-5). Cette faculté peut par exemple être utilisée au profit des petits-enfants, dans le cadre des donations-partages transgénérationnelles. Elle peut également être utile dans les familles dans lesquelles il y a un enfant handicapé, puisque ses frères et soeurs peuvent renoncer à demander la réduction des libéralités faites à son profit ; il est également possible de faire renoncer l'enfant handicapé à exiger sa part de réserve en pleine propriété, pour lui octroyer à la place une libéralité en usufruit qui lui assurera des revenus.
La renonciation est établie par un acte notarié (il faut deux notaires, dont l'un est désigné par le président de la chambre des notaires), signé séparément par chaque renonçant en présence des seuls notaires et mentionnant avec précision ses conséquences juridiques futures pour chaque renonçant. L'acte doit désigner la ou les personnes au profit desquelles la renonciation est effectuée ; une renonciation sans désignation de bénéficiaire ne serait pas valable. Il est interdit de prévoir une contrepartie à la renonciation : il s'agit d'un acte gratuit, non d'un marchandage. Le coût de l'acte notarié de renonciation est d'environ 320 €, dont un honoraire forfaitaire de 156 € hors TVA et le droit fixe de 125 €.
Une grande liberté est laissée au renonçant : la renonciation peut viser une atteinte portant sur toute la réserve - auquel cas le renonçant accepte d'être privé de tous ses droits - ou seulement sur une fraction de celle-ci (la moitié, le quart, etc.) ; la renonciation peut même ne viser que la réduction d'une unique libéralité portant sur un bien déterminé. Si l'atteinte à la réserve porte finalement sur une fraction supérieure à celle qui a été prévue dans la renonciation, l'excédent suit le droit commun, et l'enfant peut demander une indemnité dite de réduction au bénéficiaire de la libéralité.
Le défunt, qui a trois enfants, Arnaud, Clarisse et Tristan, laisse des biens pour 1 200. La réserve globale est des 3/4, soit 900, et la part individuelle de réserve de chaque enfant est de 300 (la quotité disponible étant également de 300). Clarisse a renoncé à son droit d'agir en réduction au profit de son cousin handicapé, auquel le défunt a légué un bien valant 600. Cette libéralité va d'abord s'imputer sur la quotité disponible (300). Elle est réductible pour l'excédent, soit 300 (600 - 300). Cet excédent de 300 est réparti entre les trois enfants : Clarisse est privée de la part de l'indemnité qui aurait dû lui revenir (100) mais Arnaud et Tristan touchent leur part (100 chacun). En définitive, le cousin handicapé devra 200 d'indemnité de réduction.
Le testateur a le choix d'instituer :
- un légataire universel, dont la vocation est de recevoir l'intégralité de la succession ou la nue-propriété de l'intégralité de la succession (C. civ. art. 1003). Il est possible de désigner plusieurs légataires universels, le partage s'effectuant entre eux par parts égales ;
- ou un ou plusieurs légataires à titre universel (C. civ. art. 1010). Le legs porte sur une quotité de la succession, par exemple la moitié de tous les biens, les trois quarts des meubles, tous les immeubles, etc. L'attribution de l'usufruit de toute la succession est également un legs à titre universel ;
- et un ou plusieurs légataires particuliers, qui recevront le plus souvent telle somme d'argent ou tel(s) ou tel(s) bien(s) déterminés. Constituent des legs particuliers tous ceux qui ne sont ni universels ni à titre universel. Par exemple, le legs de la collection de tableaux du testateur est un legs particulier.
On a vu précédemment qu'une fraction de la succession était réservée aux enfants du défunt (ou, à défaut, à son conjoint). L'institution d'un ou plusieurs légataires ne sera donc efficace que pour autant que ces héritiers auront reçu leur part de réserve. Si ce n'est pas le cas, ils pourront demander que les legs soient réduits. Cette réduction s'effectue proportionnellement à la valeur de chaque legs sans distinction selon la nature du legs (C. civ. art. 926). Par exception, le testateur peut prévoir qu'un legs sera acquitté de préférence aux autres ; ce legs ne sera alors réduit que si la réduction des autres legs ne suffit pas à reconstituer la réserve (C. civ. art. 927).
Le testateur, qui avait deux enfants, laisse des biens d'une valeur de 9 000 000 €.
Il a désigné trois légataires particuliers A, B et C et leur a respectivement légué 500 000 €, 1 500 000 € et 2 000 000 € (soit 4 000 000 € au total). La part disponible de la succession n'est que de 1/3, soit 3 000 000 €. A condition qu'ils n'aient pas renoncé par avance à exercer l'action en réduction contre les légataires, les enfants peuvent demander que les legs soient réduits de 1 000 000 €, soit 1/4 de 4 000 000 €. Tous les legs seront réduits d'un quart de leur valeur.
Legs de A : 500 000 € - 125 000 € = 375 000 €
Legs de B : 1 500 000 € - 375 000 € = 1 125 000 €
Legs de C : 2 000 000 € - 500 000 € = 1 500 000 €.
Reprenons l'exemple mais en supposant que le testateur ait institué A légataire universel (situations de B et C inchangées). Pour déterminer le sort des différents legs, il faut calculer la part qu'aurait reçue A dans la succession s'il n'y avait pas eu d'enfants. Cette part théorique est de 9 000 000 € - 3 500 000 € (les deux legs particuliers), soit 5 500 000 €. Pour être ramené à 3 000 000 €, l'ensemble des legs doit être divisé par trois (soit une réduction des 2/3).
Legs de A : 5 500 000 € ramené à 1 833 333 €
Legs de B : 1 500 000 € ramené à 500 000 €
Legs de C : 2 000 000 € ramené à 666 667 €.
Même si le testateur n'a laissé ni enfant ni conjoint, la part reçue par les légataires peut être affectée par les dettes laissées par le défunt. Face à ces dettes, tous les légataires ne sont pas dans la même situation.
Le légataire universel et le légataire à titre universel sont traités comme des héritiers : sous les réserves indiquées no 30007, ils sont tenus de payer les dettes du défunt et les charges de la succession. Attention donc avant d'accepter ce type de legs. Seule consolation : la contribution du légataire est proportionnelle à la part d'héritage qu'il recueille. Par exemple, si un légataire universel a été institué alors que le défunt avait trois enfants (d'où une part réservée aux enfants des 3/4 de la succession), le légataire sera tenu au paiement de 1/4 des dettes. Si un légataire à titre universel a été gratifié de la moitié de la succession, il devra payer la moitié des dettes.
Le légataire particulier n'a pas à acquitter les dettes du défunt (sauf disposition contraire du testament). Mais l'existence de ces dettes peut réduire ses droits. S'il bénéficie d'un legs de sommes d'argent, il ne pourra exiger d'être payé qu'à concurrence de l'actif net de la succession (C. civ. art. 785). Et dans le cas où le défunt était divorcé et devait une prestation compensatoire à son ex-conjoint, le légataire particulier peut être tenu de contribuer au paiement de cette prestation (C. civ. art. 280) ; il risque donc de ne rien recevoir.
Le testament pourra commencer par :
« Ceci est mon testament qui révoque tous les testaments antérieurs.
Je soussigné (prénom, nom, adresse) prends en cas de décès les dispositions suivantes : »
Exemples de legs universel
« J'institue comme légataire universel X (prénom, nom, date et lieu de naissance, adresse). En conséquence, il (elle) deviendra propriétaire de tous les biens et droits qui composeront ma succession sans aucune exception ni réserve. »
Pour les personnes ayant des enfants ou un conjoint, on utilisera de préférence une formule du type : « Je lègue à X (prénom, nom, date et lieu de naissance, adresse) la quotité disponible de ma succession. »
Si le testateur souhaite également faire des legs particuliers, il peut procéder comme suit : « Je lègue à X (...) telle somme d'argent et à Y (...) l'appartement dont je suis propriétaire à telle adresse (...). Tout le surplus de mes biens appartiendra à Z (...) que j'institue comme légataire universel. » Il peut également procéder en sens inverse : « J'institue Z (...) légataire universel, sous réserve des legs particuliers suivants... »
Il est possible d'instituer plusieurs légataires universels. Si l'un d'eux meurt avant le testateur ou renonce à son legs, sa part reviendra aux autres. Tel sera du moins le cas si le legs est ainsi rédigé : « J'institue pour légataires universels conjoints X (...), Y (...) et Z (...). » En revanche, mieux vaut éviter la rédaction suivante : « J'institue pour légataires universels X (...), Y (...) et Z (...) à raison d'un tiers chacun. » Dans ce cas, en effet, le legs s'apparente à un legs à titre universel, pour lequel la règle est différente, comme nous allons le voir maintenant.
Exemples de legs à titre universel
« Je lègue à X (prénom, nom, date et lieu de naissance, adresse) tous mes biens immobiliers. »
« Je lègue à Y (prénom, nom, date et lieu de naissance, adresse) la moitié de mes biens. »
Lorsque plusieurs légataires à titre universel sont institués, il est souhaitable de prévoir ce qui se passera si l'un d'entre eux renonce à son legs ou meurt avant le testateur. Si rien n'est prévu dans le testament, ce sont les héritiers du testateur, et non les autres légataires, qui récupéreront la part du mort ou du renonçant. Or, l'institution de légataires à titre universel a en général pour objet d'écarter de sa succession les héritiers naturels. Si donc le testateur veut avantager les autres légataires, il doit le préciser. Par exemple : « J'institue pour légataires à titre universel X (...), Y (...) et Z (...) à raison d'un tiers chacun. En cas de prédécès ou de renonciation de l'un d'eux, sa part augmentera celle des autres légataires à titre universel. »
Exemples de legs particuliers
« Je lègue à X (prénom, nom, date et lieu de naissance, adresse) telle somme d'argent. »
« Je lègue à Y (prénom, nom, date et lieu de naissance, adresse) l'appartement dont je suis propriétaire à telle adresse (...). » Si l'on souhaite léguer également les meubles contenus dans l'appartement, on ajoutera : « avec tous les meubles et objets mobiliers qui le garnissent. »
« Je lègue à Z (...) mon buffet Louis XIII. » Si l'on veut que Z récupère aussi l'argenterie habituellement rangée dans le buffet, il faut le préciser car le legs d'un meuble n'emporte pas celui de son contenu.
Celui qui fait son testament peut poser des conditions ou prévoir des obligations à la charge du bénéficiaire du legs. Par exemple : s'occuper d'un animal, verser une rente viagère à quelqu'un, entretenir la maison léguée, faire dire des messes à sa mémoire, etc.
Seule limite à la liberté du testateur : ne pas prévoir de clauses qui seraient contraires à l'ordre public ou aux bonnes moeurs. Exemples : legs au conjoint survivant avec interdiction de se remarier, legs sous condition de se convertir à telle ou telle religion, etc.
S'il accepte un legs assorti de charges, le légataire devra remplir les obligations qui lui auront été fixées. S'il ne le fait pas ou s'il ne le fait que partiellement, les autres héritiers ou légataires, de même que l'exécuteur testamentaire s'il en a été désigné un, pourront demander en justice la révocation du legs.
Toutefois, si l'exécution des charges devient impossible ou particulièrement difficile, le bénéficiaire du legs pourra demander au juge la révision ou la suppression des charges qui lui étaient imposées. Cette demande ne pourra être faite que 10 ans au minimum après le décès du testateur (C. civ. art. 900-2 à C. civ.900-5). En pratique, la révision judiciaire des charges et conditions concerne le plus souvent les legs au profit des associations, fondations et congrégations.
Il s'agit de legs avec charges au profit de deux bénéficiaires successifs, le second ayant vocation à recevoir le legs au décès du premier. Le plus souvent, mais ce n'est pas obligatoire, les bénéficiaires sont les descendants du testateur. Par exemple, un appartement ou un portefeuille de titres est légué à un enfant (premier bénéficiaire) et le testateur désigne comme seconds bénéficiaires ses petits-enfants (présents et/ou futurs) ou un autre de ses enfants.
La différence entre un legs graduel et un legs résiduel tient à l'étendue des obligations qui pèsent sur le premier légataire.
Le legs graduel impose au premier légataire une double charge : il doit conserver sa vie durant les biens qu'il a reçus (il ne peut ni les vendre ni les donner), puis les retransmettre à son propre décès au second bénéficiaire désigné par le testateur.
Le legs résiduel n'impose pas au premier légataire de conserver les biens, mais seulement de les retransmettre, s'ils existent toujours en nature à son décès, au second bénéficiaire désigné par le testateur. Ce type de legs a seulement pour effet d'empêcher le premier bénéficiaire de léguer les biens par testament ; il ne lui est jamais interdit de les vendre et, sauf si le contraire a été prévu par le testateur, il peut également les donner de son vivant. Si les biens ont été donnés ou vendus, le second bénéficiaire n'aura droit à rien.
Savoir
Les legs graduels et résiduels qui portent sur un portefeuille de titres obéissent à des règles particulières :
- même s'il s'agit d'un legs graduel, le légataire a le droit d'effectuer des arbitrages (ventes et achats de titres), car la charge de conserver le bien pèse sur le portefeuille, non sur les valeurs qui le composent ;
- au décès du premier légataire, le second recevra le portefeuille composé des nouvelles valeurs qui se seront substituées aux anciennes.
Les deux catégories de libéralités obéissent au même régime (CGI art. 784 C) :
- au décès du testateur, le premier légataire doit les droits de succession dans les conditions ordinaires sur la valeur des biens qu'il reçoit. Le second bénéficiaire ne doit rien ;
- les droits dus par le second bénéficiaire au décès du premier légataire sont calculés sur la valeur des biens au jour de ce décès, au tarif applicable compte tenu du lien de parenté du second légataire avec le testateur. Mais les droits payés par le premier bénéficiaire viennent en déduction de ceux dus par le second. Si le premier bénéficiaire a donné ou vendu une partie des biens (libéralité résiduelle), la déduction concerne les droits payés sur les biens qui sont effectivement transmis au second bénéficiaire.
Ces règles sont en pratique très favorables, puisqu'elles permettent par exemple de ne taxer qu'une seule fois la transmission d'un même bien à deux générations successives (seule la plus-value éventuellement prise par le bien donne lieu à taxation pour le second bénéficiaire). L'opération est également intéressante lorsque la transmission est effectuée au profit de deux enfants (l'un institué en premier, l'autre en second), puisque les biens reviendront au second bénéficiaire au tarif en ligne directe, sans avoir à subir le tarif beaucoup plus coûteux applicable entre frères et soeurs.
Nous avons vu qu'il existait plusieurs causes à la disparition d'un legs (irrégularité ou révocation du testament, réduction du legs pour atteinte à la réserve des héritiers). Il peut également arriver qu'un legs soit privé d'effet, alors même que sa validité n'est pas remise en cause ; il peut être frappé de caducité ou faire l'objet d'une révocation judiciaire.
Un legs est dit « caduc » lorsqu'il ne peut pas être exécuté, alors même que sa validité n'est pas remise en cause. La loi prévoit quatre cas de caducité :
- le légataire désigné dans le testament décède avant le testateur (C. civ. art. 1039) ;
- la chose léguée a été perdue entre la rédaction du testament et le décès du testateur (C. civ. art. 1042). La perte s'entend non seulement de la destruction matérielle de la chose, mais également de sa disparition du patrimoine du testateur du fait d'une aliénation indépendante de sa volonté ; par exemple, le bien légué est vendu par le tuteur du testateur mis sous tutelle après la rédaction du testament (Cass. 1e civ. 19-12-2012 no 11-22.309) ;
- le légataire a renoncé au legs (C. civ. art. 1043) ;
- le légataire est frappé d'une incapacité de jouissance après l'établissement du testament qui l'empêche de recueillir le legs (C. civ. art. 1043).
La révocation judiciaire d'un legs ne peut être demandée que pour inexécution des charges prévues par le testament et pour ingratitude du légataire à l'égard du testateur (C. civ. art. 1046).
Les cas d'ingratitude justifiant la révocation du legs sont limitativement prévus par la loi. Deux de ces cas sont communs avec les donations : l'attentat à la vie du testateur et les sévices, les délits et injures graves envers lui. Le troisième cas d'ingratitude est spécifique aux legs. Il s'agit de l'injure grave à la mémoire du testateur (C. civ. art. 1047).
Ce sont les juges du fond qui apprécient souverainement si les faits ont un caractère de gravité suffisant pour justifier la révocation du legs.
En cas d'injure grave à la mémoire du testateur, l'action en révocation doit être exercée dans un délai d'un an à compter du délit (C. civ. art. 1047).
Dans les autres cas de révocation, l'action doit en principe être intentée dans l'année du délit ou dans un délai d'un an à compter du jour où le testateur a eu connaissance du délit. Cependant, si le testateur s'est trouvé dans l'incapacité d'agir avant son décès, ses héritiers peuvent exercer l'action révocatoire dans l'année du jour où ils ont eu eux-mêmes connaissance à la fois du délit et du testament (Cass. 1e civ. 14-2-1990 no 88-12.486 : Bull. civ. I no 45, D. 1991 p. 107 note G. Morin). Selon certains juristes, cette solution devrait également s'appliquer lorsque le testateur est décédé pleinement capable. L'ouverture de l'action aux héritiers supposerait toutefois que le testateur soit décédé dans l'année des faits d'ingratitude ; au-delà, il est censé avoir pardonné (G. Morin, note précitée ; F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet : Les successions. Les libéralités Dalloz 2014 no 490).
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